En Nouvelle-Calédonie, à l’aube des années soixante-dix, le jour me voit pour la première fois. Premier enfant d'un couple dysfonctionnel de vagabonds cosmopolites, je suis très tôt un observateur silencieux qui archive le monde en images. Ma mémoire est une galerie d'art, une collection vivante que je projette chaque soir sur le grand écran de mon imagination pour me créer des récits.
À peine quelques années plus tard, le cinéma s'ouvre à moi comme une bibliothèque sans fin. Je vis alors en Afrique, un continent qui devient la toile de fond de mes premières expériences cinématographiques. Les films français, en particulier, deviennent mes tomes de référence, des manuels qui me murmuraient la complexité et les extravagances de notre monde.
Et puis, de déambulations en apprentissages, je suis revenu sur ma terre natale, un petit caillou dans le Pacifique Sud. En quête d'un enracinement qui transcende la géographie et pourquoi pas les racines elles-mêmes. C’est ici, en osant dire chez moi, que j’ai pu continuer à vivre de ma passion photographique mais avec une nouvelle profondeur, de nouvelles perspectives. Plusieurs années après ce retour, j’ai franchi une frontière artistique avec mon premier film documentaire. La réalisation m’a permis de retrouver mes premiers émois d’enfant, mais aussi de nourrir mes envies d’exploration des identités et des cultures, ces fenêtres sur des réalités parfois négligées mais profondément humaines.
Aujourd’hui, ce "chez moi" a disparu. Malgré tout, je m'aventure frénétiquement dans la fiction. Documentaire ou fiction, le cinéma qui m’attire est une affirmation de mes convictions et de mes émotions, avec la volonté de bousculer les cadres et les genres. Il me permet aussi de manière intime, peut-être avec panache, d’éclairer la route qui bouclera un jour mon cycle.
Je raconte des histoires, je suis un ménestrel de l’image qui aime explorer les thèmes universels à travers le prisme de l’individu. Chaque film est pour moi une nouvelle toile sur laquelle j’essaie de peindre les nuances de notre condition humaine en cherchant ce point d’équilibre où la forme devient le fond. Ils sont aussi des envies de réponses aux questions de ma vie, en seulement 24 images par seconde.